Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fut une consolation pour moi ; car le voyant entier et dressé sur sa quille, je conçus l’espérance, si le vent venait à s’abattre, d’aller à bord et d’en tirer les vivres ou les choses nécessaires pour mon soulagement. D’un autre côté ce spectacle renouvela la douleur que je ressentais de la perte de mes camarades ; j’imaginais que si nous étions demeurés à bord, nous eussions pu sauver le navire, ou qu’au moins mes compagnons n’eussent pas été noyés comme ils l’étaient, et que, si tout l’équipage avait été préservé, peut-être nous eussions pu construire avec les débris du bâtiment une embarcation qui nous aurait portés en quelque endroit du monde. Je passai une grande partie de la journée à tourmenter mon âme de ces regrets ; mais enfin, voyant le bâtiment presque à sec, j’avançai sur la grève aussi loin que je pus, et me mis à la nage pour aller à bord. Il continua de pleuvoir tout le jour, mais il ne faisait point de vent.

Du 1er au 24. — Toutes ces journées furent employées à faire plusieurs voyages pour tirer du vaisseau tout ce que je pouvais, et l’amener à terre sur des radeaux à la faveur de chaque marée montante. Il plut beaucoup durant cet intervalle, quoique avec quelque lueur de beau temps : il paraît que c’était la saison pluvieuse.

Le 20. — Je renversai mon radeau et tous les objets que j’avais mis dessus ; mais, comme c’était dans une eau peu profonde, et que la cargaison se composait surtout d’objets pesants, j’en recouvrai une grande partie quand la marée se fut retirée.

Le 25. — Tout le jour et toute la nuit il tomba une pluie accompagnée de rafales ; durant ce temps le navire se brisa, et le vent ayant soufflé plus violemment encore, il disparut, et je ne pus apercevoir ses débris qu’à mer