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homme, mais je n’étais pas satisfait encore ; je pensais que tant que le navire resterait à l’échouage, il était de mon devoir d’en retirer tout ce que je pourrais. Chaque jour, donc, j’allais à bord à marée basse, et je rapportais une chose ou une autre ; nommément, la troisième fois que je m’y rendis, j’enlevai autant d’agrès qu’il me fut possible, tous les petits cordages et le fil à voile, une pièce de toile de réserve pour raccommoder les voiles au besoin, et le baril de poudre mouillée. Bref, j’emportai toutes les voiles, depuis la première jusqu’à la dernière ; seulement je fus obligé de les couper en morceaux, pour en apporter à la fois autant que possible. D’ailleurs ce n’était plus comme voilure, mais comme simple toile qu’elles devaient servir.

Ce qui me fit le plus de plaisir, ce fut qu’après cinq ou six voyages semblables, et lorsque je pensais que le bâtiment ne contenait plus rien qui valût la peine que j’y touchasse, je découvris une grande barrique de biscuits[1], trois gros barils de rum ou de liqueurs fortes, une caisse de sucre et un baril de fine fleur de farine. Cela m’étonna beaucoup parce que j’avais renoncé à trouver d’autres provisions que celles avariées par l’eau. Je vidai promptement la barrique de biscuit, j’en fis plusieurs parts, que j’enveloppai dans quelques morceaux de voile que j’avais taillés. Et, en un mot, j’apportai encore tout cela heureusement à terre.

Le lendemain je fis un autre voyage. Comme j’avais dépouillé le vaisseau de tout ce qui était d’un transport facile, je me mis après les câbles. Je coupais celui de grande touée en morceaux proportionnés à mes forces ; et j’en amas-

  1. Hogshead, barrique contenant 60 gallons, environ 240 pintes ou un muid. — Saint-Hyacinthe a donc fait erreur en traduisant hogshead of bread, par un morceau de biscuit. P. B.