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MOLL FLANDERS

Quand je fus pleinement remise, il commença de nouveau :

— Ma chérie, dit-il, il faudrait y songer bien sérieusement ; tu peux assez clairement voir quelle est l’attitude de la famille dans le cas présent et qu’ils seraient tous enragés si j’étais en cause, au lieu que ce fût mon frère, et, à ce que je puis voir du moins, ce serait ma ruine et la tienne tout ensemble.

Oui-da ! criai-je, parlant encore avec colère ; et toutes vos protestations et vos vœux doivent-ils être ébranlés par le déplaisir de la famille ? Ne vous l’ai-je pas toujours objecté, et vous le traitiez légèrement, comme étant au-dessous de vous, et de peu d’importance ; et en est-ce venu là, maintenant ? Est-ce là votre foi et votre honneur, votre amour et la fermeté de vos promesses ?

Il continua à demeurer parfaitement calme, malgré tous mes reproches, et je ne les lui épargnais nullement ; mais il répondit enfin :

— Ma chérie, je n’ai pas manqué encore à une seule promesse ; je t’ai dit que je t’épouserais quand j’entrerais en héritage ; mais tu vois que mon père est un homme vigoureux, de forte santé et qui peut vivre encore ses trente ans, et n’être pas plus vieux en somme que plusieurs qui sont autour de nous en ville ; et tu ne m’as jamais demandé de t’épouser plus tôt, parce que tu savais que cela pourrait être ma ruine ; et pour le reste, je ne t’ai failli en rien.

Je ne pouvais nier un mot de ce qu’il disait :

— Mais comment alors, dis-je, pouvez vous me persuader de faire un pas si horrible et de vous abandonner,