maintenant les choses en étaient venues au point qu’elles me trouvaient souvent en faute et parfois me querellaient tout de bon, quoique je n’y donnasse pas la moindre occasion ; qu’au lieu que j’avais toujours couché d’ordinaire avec la sœur aînée, on m’avait mise naguère à coucher toute seule ou avec une des servantes, et que je les avais surprises plusieurs fois à parler très cruellement de moi ; mais que ce qui confirmait le tout était qu’une des servantes m’avait rapporté qu’elle avait entendu dire que je devais être mise à la porte, et qu’il ne valait rien pour la famille que je demeurasse plus longtemps dans la maison.
Il sourit en m’entendant, et je lui demandai comment il pouvait prendre cela si légèrement, quand il devait bien savoir que si nous étions découverts, j’étais perdue et que cela lui ferait du tort, bien qu’il n’en dût pas être ruiné, comme moi. Je lui reprochai vivement de ressembler au reste de son sexe, qui, ayant à merci la réputation d’une femme, en font souvent leur jouet ou au moins la considèrent comme une babiole, et comptent la ruine de celles dont ils ont fait leur volonté comme une chose de nulle valeur.
Il vit que je m’échauffais et que j’étais sérieuse, et il changea de style sur-le-champ ; il me dit qu’il était fâché que j’eusse une telle pensée sur lui ; qu’il ne m’en avait jamais donné la moindre occasion, mais s’était montré aussi soucieux de ma réputation que de la sienne propre ; qu’il était certain que notre liaison avait été gouvernée avec tant d’adresse que pas une créature de la famille ne faisait tant que de la soupçonner ; que s’il avait souri quand je lui avais dit mes pensées, c’était à cause de