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MOLL FLANDERS

Après que j’eus passé une année chez moi, je fis de nouveau la traversée de la baie pour aller voir mon fils et toucher les nouveaux revenus de ma plantation ; et je fus surprise d’apprendre, justement comme je débarquais, que mon vieux mari était mort, et qu’on ne l’avait pas enterré depuis plus de quinze jours. Ce ne fut pas, je l’avoue, une nouvelle désagréable, à cause que je pouvais paraître maintenant, ainsi que je l’étais, dans la condition de mariage ; de sorte que je dis à mon fils avant de le quitter que je pensais épouser un gentilhomme dont la plantation joignait la mienne ; et que malgré que je fusse légalement libre de me marier, pour ce qui était d’aucune obligation antérieure, pourtant j’entretenais quelque crainte qu’on ne fît revivre une histoire qui pouvait donner de l’inquiétude à un mari. Mon fils, toujours tendre, respectueux et obligeant, me reçut cette fois chez lui, me paya mes cent livres et me renvoya chargée de présents.

Quelque temps après, je fis savoir à mon fils que j’étais mariée, et je l’invitai à nous venir voir, et mon mari lui écrivit de son côté une lettre fort obligeante où il l’invitait aussi ; et en effet il vint quelques mois après, et il se trouvait justement là au moment que ma cargaison arriva d’Angleterre, que je lui fis croire qui appartenait toute à l’état de mon mari, et non à moi.

Il faut observer que lorsque le vieux misérable, mon frère (mari) fut mort, je rendis franchement compte à mon mari de toute cette affaire et lui dis que ce cousin, comme je l’appelais, était mon propre fils par cette malheureuse alliance. Il s’accorda parfaitement à mon récit et me dit qu’il ne serait point troublé si le vieux, comme nous l’appelions, eût été vivant.