Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.
393
MOLL FLANDERS

entretenue avec grand respect. Aussi je dînai plusieurs fois dans sa propre maison, où il prit soin toujours de tenir son père à demi mort tellement à l’écart que je ne le vis jamais, ni lui moi. Je lui fis un cadeau, et c’était tout ce que j’avais de valeur, et c’était une des montres en or desquelles, ai-je dit, j’avais deux dans mon coffre, et je me trouvais avoir celle-ci sur moi, et je la lui donnai à une troisième visite. Je lui dis que je n’avais rien de valeur à donner que cette montre et que je le priais de la baiser quelquefois en souvenir de moi. Je ne lui dis pas, en vérité, que je l’avais volée au côté d’une dame dans une salle de réunion de Londres : soit dit en passant !

Il demeura un moment hésitant, comme s’il doutait s’il devait la prendre ou non, mais j’insistai et je l’obligeai à l’accepter, et elle ne valait pas beaucoup moins que sa poche en cuir pleine d’or d’Espagne, non, même si on l’estimait ainsi qu’à Londres, tandis qu’elle valait le double ici. À la fin, il la prit, la baisa et me dit que cette montre serait une dette pour lui, mais qu’il la payerait tant que je vivrais.

Quelques jours après, il apporta les écrits de donation, et il amena un notaire avec lui, et je les signai de bien bon gré, et les lui remis avec cent baisers, car sûrement jamais rien ne se passa entre une mère et un enfant tendre et respectueux avec plus d’affection. Le lendemain, il m’apporte une obligation sous seing et sceau par où il s’engageait à gérer la plantation à mon compte et à remettre le revenu à mon ordre ou que je fusse ; et tout ensemble il s’obligeait à ce que ce revenu fût de 100 £ par an. Quand il eut fini, il me dit que, puisque j’étais entrée en possession avant la récolte, j’avais droit