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MOLL FLANDERS

doute sur la rive de la baie ou que peut-être j’avais l’idée de retourner au Angleterre, si je voulais lui en laisser la gérance, il l’administrerait pour moi ainsi qu’il l’avait fait pour lui-même, et qu’il pensait pouvoir m’envoyer assez de tabac pour rendre annuellement environ 100 £, quelquefois plus.

La tendre conduite de mon fils et ses offres pleines de bonté m’arrachèrent des larmes presque tout le temps qu’il me parlait ; en vérité, je pus à peine discourir avec lui, sinon dans les intervalles de ma passion. Cependant enfin je commençai, et exprimant mon étonnement sur le bonheur que j’avais que le dépôt de ce que ma mère m’avait laissé eût été remis aux mains de mon propre enfant, je lui dis que, pour ce qui était de l’héritage de ce domaine, je n’avais point d’enfant que lui au monde, et que j’avais passé le temps d’en avoir si je me mariais, et que par ainsi je le priais de faire un écrit, que j’étais prête à signer, par lequel, après moi, je le léguerais entièrement à lui et à ses héritiers.

Et cependant, souriant, je lui demandai ce qui faisait qu’il restait garçon si longtemps. Sa réponse, tendre et prompte, fut que la Virginie ne produisait point abondance de femmes et que puisque je parlais de retourner en Angleterre, il me priait de lui envoyer une femme de Londres.

Telle fut la substance de notre conversation la première journée, la plus charmante journée qui ait jamais passé sur ma tête pendant ma vie et qui me donna la plus profonde satisfaction. Il revint ensuite chaque jour et passa une grande partie de son temps avec moi, et m’emmena dans plusieurs maisons de ses amis où je fus