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MOLL FLANDERS

deux mois après, sur son avis, nous demandâmes un grand terrain au gouvernement du pays, pour faire notre plantation ; de sorte que nous laissâmes de côté toute la pensée d’aller en Caroline, ayant fort été bien reçus ici ; et au bout d’un an nous avions défriché près de cinquante acres de terre, partie en clôture, et nous y avions déjà planté du tabac, quoiqu’en petite quantité ; en outre, nous avions un potager et assez de blé pour fournir à nos domestiques des racines, des légumes et du pain. Et maintenant je persuadai à mon mari de me permettre de traverser de nouveau la baie pour m’enquérir de mes amis ; il y consentit d’autant plus volontiers qu’il avait assez d’affaires sur les bras pour l’occuper, outre son fusil pour le divertir (ce qu’on appelle chasser par ici), en quoi il prenait beaucoup d’agrément ; et en vérité nous nous regardions souvent tous deux avec infiniment de plaisir, songeant combien notre vie était meilleure, non seulement que celle de Newgate, mais que les circonstances les plus prospères de l’affreux métier que nous avions pratiqué.

Notre affaire était maintenant en très bonne posture : nous achetâmes aux propriétaires de la colonie, pour 35 £ payées comptant, autant de terre qu’il nous en fallait pour nous établir une plantation qui nous suffirait tant que nous vivrions ; et pour ce qui est des enfants, j’avais passé ce temps-là.

Mais notre bonne fortune ne s’arrêta pas là ; je traversai, ainsi que j’ai dit, la baie, pour me rendre à l’endroit où habitait mon frère, autrefois mon mari ; mais je ne passai point dans le même village où j’avais passé avant ; mais je remontai une autre grande rivière, sur la