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MOLL FLANDERS

tourner. Là-dessus, nous louâmes une chaloupe pour y embarquer nos effets ; puis, disant en quelque sorte un adieu final à la rivière de Potomac, nous passâmes avec tout notre bagage en Maryland.

Ce fut un long et déplaisant voyage, et que mon époux déclara pire que tout son voyage depuis l’Angleterre, parce que le temps était mauvais, la mer rude et le vaisseau petit et incommode ; de plus, nous nous trouvions à cent bons milles en amont de la rivière de Potomac, en une région qu’on nomme comté de Westmoreland ; et comme cette rivière est de beaucoup la plus grande de Virginie, et j’ai ouï dire que c’est la plus grande du monde qui débouche en une autre rivière, et point directement dans la mer, ainsi y trouvâmes-nous du fort mauvais temps, et nous fûmes fréquemment en grand danger, car malgré qu’on l’appelle simplement rivière, elle est parfois si large que lorsque nous étions au milieu, nous n’apercevions point la terre des deux côtés pendant bien des lieues. Puis il nous fallut traverser la grande baie de Chesapeak, qui a près de trente milles de largeur à l’endroit où y débouche la rivière de Potomac ; si bien que nous fîmes un voyage de deux cents milles dans une misérable chaloupe avec tout notre trésor ; et si quelque accident nous fût survenu, nous aurions pu être très malheureux, en fin de compte ; supposant que nous eussions perdu nos biens, avec la vie sauve seulement, nous aurions été abandonnés nus et désolés dans un pays sauvage et étranger, n’ayant point un ami, point une connaissance dans toute cette partie du monde. La pensée seule me donne de l’horreur, même aujourd’hui que le danger est passé.