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MOLL FLANDERS

la manière de s’établir en lieu que ce fut. Alors je pensai que nous partirions d’abord tous deux, et que lorsque nous serions établis je retournerais en Virginie ; mais, même alors, je savais bien qu’il ne se séparerait jamais de moi pour rester seul là-bas ; le cas était clair ; il était né gentilhomme, et ce n’était pas seulement qu’il n’eût point la connaissance du pays, mais il était indolent, et quand nous nous établissions, il préférait de beaucoup aller dans la forêt avec son fusil, ce qu’ils appellent là-bas chasser et qui est l’ordinaire travail des Indiens ; il préférait de beaucoup chasser, dis-je, que de s’occuper des affaires naturelles de la plantation.

C’étaient donc là des difficultés insurmontables et telles que je ne savais qu’y faire ; je me sentais si fortement poussée à me découvrir à mon ancien mari que je ne pouvais y résister, d’autant plus que l’idée qui me courait dans la tête, c’était que si je ne le faisais point tandis qu’il vivait, ce serait en vain peut-être que je m’efforcerais de convaincre mon fils plus tard que j’étais réellement la même personne et que j’étais sa mère, et qu’ainsi je pourrais perdre tout ensemble l’assistance de la parenté et tout ce que ma mère m’avait laissé. Et pourtant, d’autre part, il me paraissait impossible de révéler la condition où j’étais et de dire que j’avais avec moi un mari ou que j’avais passé la mer comme criminelle ; si bien qu’il m’était absolument nécessaire de quitter l’endroit où j’étais et de revenir vers lui, comme revenant d’un autre endroit et sous une autre figure.

Sur ces considérations, je continuai à dire à mon mari l’absolue nécessité qu’il y avait de ne point nous