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MOLL FLANDERS

fatale avec laquelle je m’étais mariée, ainsi que je l’ai longuement raconté). Une petite enquête m’apprit que Mme ***, c’est à savoir ma mère, était morte, que mon frère ou mari était vivant et, ce qui était pire, je trouvai qu’il avait quitté la plantation où j’avais vécu et qu’il vivait avec un de ses fils sur une plantation, justement près de l’endroit où nous avions loué un magasin.

Je fus un peu surprise d’abord, mais comme je m’aventurais à me persuader qu’il ne pouvait point me reconnaître, non seulement je me sentis parfaitement tranquille, mais j’eus grande envie de le voir, si c’était possible, sans qu’il me vît. Dans ce dessein je m’enquis de la plantation où il vivait et avec une femme du lieu que je trouvai pour m’aider, comme ce que nous appelons une porteuse de chaise, j’errai autour de l’endroit comme si je n’eusse eu d’autre envie que de me promener et de regarder le paysage. Enfin j’arrivai si près que je vis la maison. Je demandai à la femme à qui était cette plantation : elle me dit qu’elle appartenait à un tel, et, tendant la main sur la droite :

— Voilà, dit-elle, le monsieur à qui appartient cette plantation et son père est avec lui.

— Quels sont leurs petits noms ? dis-je

— Je ne sais point, dit-elle, quel est le nom du vieux monsieur, mais le nom de son fils est Humphry, et je crois, dit-elle, que c’est aussi le nom du père.

Vous pourrez deviner, s’il vous est possible, le mélange confus de joie et de frayeur qui s’empara de mes esprits en cette occasion, car je connus sur-le-champ que ce n’était là personne d’autre que mon propre fils par ce père qu’elle me montrait qui était mon propre frère. Je