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MOLL FLANDERS

argent, ce qui était plus que suffisant à notre dessein.

En cette condition, fort joyeux de toutes ces commodités, nous fîmes voile de Bugsby’s hole à Gravesend, où le vaisseau resta environ dix jours de plus et où le capitaine vint à bord pour de bon. Ici le capitaine nous montra une civilité qu’en vérité nous n’avions point de raison d’attendre, c’est à savoir qu’il nous permit d’aller à terre pour nous rafraîchir, après que nous lui eûmes donné nos paroles que nous ne nous enfuirions pas et que nous reviendrions paisiblement à bord. En vérité le capitaine avait assez d’assurances sur nos résolutions de partir, puisque, ayant fait de telles provisions pour nous établir là-bas, il ne semblait point probable que nous eussions choisi de demeurer ici au péril de la vie : car ce n’aurait pas été moins. En somme, nous allâmes tous à terre avec le capitaine et soupâmes ensemble à Gravesend où nous fûmes fort joyeux, passâmes la nuit, couchâmes dans la maison où nous avions soupé et revînmes tous très honnêtement à bord avec lui le matin. Là, nous achetâmes dix douzaines de bouteilles de bonne bière, du vin, des poulets, et telles choses que nous pensions qui seraient agréables à bord.

Ma gouvernante resta avec nous tout ce temps et nous accompagna jusqu’aux Downs, ainsi que la femme du capitaine avec qui elle revint. Je n’eus jamais tant de tristesse en me séparant de ma propre mère que j’en eus pour me séparer d’elle, et je ne la revis jamais plus. Nous eûmes bon vent d’est le troisième jour après notre arrivée aux Downs, et nous fîmes voile de là le dixième jour d’avril, sans toucher ailleurs, jusqu’étant poussé sur la