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MOLL FLANDERS

avait un tiroir secret, était ma banque — c’est-à-dire qu’elle y avait serré autant d’argent que j’avais résolu d’emporter avec moi ; car j’avais ordonné qu’on conservât une partie de mon fonds, afin qu’elle pût m’envoyer ensuite tels effets dont j’aurais besoin quand je viendrais à m’établir : car l’argent dans cette contrée ne sert pas à grand’chose, où on achète tout pour du tabac ; à plus forte raison est-ce grand dommage d’en emporter d’ici.

Mais mon cas était particulier ; il n’était point bon pour moi de partir sans effets ni argent ; et d’autre part pour une pauvre déportée qui allait être vendue sitôt qu’elle arriverait à terre, d’emporter une cargaison de marchandises, cela eût attiré l’attention, et les eût peut-être fait saisir ; de sorte que j’emportai ainsi une partie de mon fonds, et que je laissai le reste à ma gouvernante.

Ma gouvernante m’apporta un grand nombre d’autres effets ; mais il ne convenait pas que je fisse trop la brave du moins avant de savoir l’espèce de capitaine que nous aurions. Quand elle entra dans le navire, je pensai qu’elle allait mourir vraiment ; son cœur s’enfonça, quand elle me vit, à la pensée de me quitter en cette condition ; et elle pleura d’une manière si intolérable que je fus longtemps avant de pouvoir lui parler.

Je profitai de ce temps pour lire la lettre de mon camarade de prison, dont je fus étrangement embarrassée. Il me disait qu’il lui serait impossible de se faire décharger à temps pour partir dans le même vaisseau : et par-dessus tout, il commençait à se demander si on voudrait bien lui permettre de partir dans le vaisseau qu’il lui plairait, bien qu’il consentît à être déporté de plein gré, mais qu’on le ferait mettre à bord de tel navire qu’on désignerait, où