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MOLL FLANDERS

je lui disais l’endroit où était le navire et la pressais de m’envoyer les effets qu’elle m’avait préparés pour le voyage.

Quand je remis ma lettre au bosseman, je lui donnai en même temps un shilling et je lui dis que ce serait pour payer le commissionnaire que je le suppliais de charger de la lettre sitôt qu’il viendrait à terre, afin que, si possible, j’eusse une réponse rapportée de la même main, et que j’apprisse ce que devenaient mes effets.

— Car, monsieur, dis-je, si le navire part avant que je les aie reçus, je suis perdue.

Je pris garde, en lui donnant le shilling, de lui faire voir que j’en étais mieux fournie que les prisonniers ordinaires ; que j’avais une bourse, où il ne manquait pas d’argent ; et je trouvai que cette vue seule m’attira un traitement très différent de celui que j’eusse autrement subi ; car bien qu’il fût civil vraiment, auparavant, c’était par une sorte de compassion naturelle qu’il ressentait pour une femme dans la détresse ; tandis qu’il le fut plus qu’à l’ordinaire après, et me fit mieux traiter dans le navire, dis-je, qu’autrement je ne l’eusse été ; ainsi qu’il paraîtra en lieu et place.

Il remit fort honnêtement ma lettre dans les propres mains de ma gouvernante et me rapporta sa réponse. Et quand il me la donna il me rendit le shilling :

— Tenez, dit-il, voilà votre shilling que je vous rends, car j’ai remis la lettre moi-même.

Je ne sus que dire ; j’étais toute surprise ; mais après une pause je répondis :

— Monsieur, vous êtes trop bon ; ce n’eût été que justice que vous vous fussiez alors payé du message.