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MOLL FLANDERS

Le moment de ma propre déportation s’approchait. Ma gouvernante qui continuait à se montrer amie dévouée avait tenté d’obtenir un pardon, mais n’avait pu réussir à moins d’avoir payé une somme trop lourde pour ma bourse, puisque de la laisser vide, à moins de me résoudre à reprendre mon vieux métier, eût été pire que la déportation, à cause que là-bas je pouvais vivre, et ici non.

C’est au mois de février que je fus, avec treize autres forçats, remise à un marchand qui faisait commerce avec la Virginie, à bord d’un navire à l’ancre dans Deptford Reach. L’officier de la prison nous mena à bord, et le maître du vaisseau signa le reçu.

Cette nuit-là on ferma les écoutilles sur nous, et on nous tint si étroitement enfermés que je pensai étouffer par manque d’air ; et le lendemain matin le navire leva l’ancre et descendit la rivière jusqu’à un lieu nommé Bugsby’s Hole ; chose qui fut faite, nous dit-on, d’accord avec le marchand, afin de nous retirer toute chance d’évasion. Cependant quand le navire fut arrivé là et eut jeté l’ancre, nous eûmes l’autorisation de monter sur le franc tillac, mais non sur le pont, étant particulièrement réservé au capitaine et aux passagers.

Quand par le tumulte des hommes au-dessus de ma tête, et par le mouvement du navire je m’aperçus que nous étions sous voile, je fus d’abord grandement surprise, craignant que nous fussions partis sans que nos amis eussent pu venir nous voir ; mais je me rassurai bientôt après, voyant qu’on avait jeté l’ancre, et que nous fûmes avertis par quelques hommes que nous aurions le matin suivant la liberté de monter sur le tillac et de parler à nos amis qui nous viendraient voir.