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MOLL FLANDERS

fisantes à nous accommoder tous deux à quitter cette partie du monde pour aller vivre en un lieu où personne ne pourrait nous reprocher le passé, et où nous serions libres, sans les tortures d’un cachot de condamnés pour nous y forcer, de considérer tous nos désastres passés avec infiniment de satisfaction, regardant que nos ennemis nous oublieraient entièrement, et que nous vivrions comme nouveaux hommes dans un nouveau monde, n’y ayant personne qui eût droit de rien nous dire, ou nous à eux.

Je lui poussai tous ces arguments avec tant d’ardeur et je répondis avec tant d’effet à toutes ses objections passionnées, qu’il m’embrassa et me dit que je le traitais avec une sincérité à laquelle il ne pouvait résister ; qu’il allait accepter mon conseil et s’efforcer de se soumettre à son destin dans l’espérance de trouver le confort d’une si fidèle conseillère et d’une telle compagne de misère ; mais encore voulut-il me rappeler ce que j’avais dit avant, à savoir qu’il pouvait y avoir quelque moyen de se libérer, avant de partir, et qu’il pouvait être possible d’éviter entièrement le départ, ce qui à son avis valait beaucoup mieux.

Nous nous séparâmes après cette longue conférence avec des témoignages de tendresse et d’affection que je pensai qui étaient égaux sinon supérieurs à ceux de notre séparation de Dunstable.

Enfin, après beaucoup de difficultés, il consentit à partir ; et comme il ne fut pas là-dessus admis à la déportation devant la cour, et sur pétition, ainsi que je l’avais été, il se trouva dans l’impossibilité d’éviter l’embarquement ainsi que je pensais qu’il pouvait le faire.