Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.
348
MOLL FLANDERS

sur cette impression que ma condition était pire que la sienne, mais avec une sorte de sourire il dit :

— Comment serait-ce possible ? Quand tu me vois enchaîné, et à Newgate, avec deux de mes compagnons déjà exécutés, peux-tu dire que ta condition est pire que la mienne ?

— Allons, mon cher, dis-je, nous avons un long ouvrage à faire, s’il faut que je conte ou que tu écoutes mon infortunée histoire ; mais si tu désires l’entendre, tu t’accorderas bien vite avec moi sur ce que ma condition est pire que la tienne.

— Et comment cela se pourrait-il, dit mon mari, puisque je m’attends à passer en jugement capital à la prochaine session même ?

— Si, dis-je, cela se peut fort bien, quand je t’aurai dit que j’ai été condamnée à mort il y a trois sessions, et que je suis maintenant sous sentence de mort : mon cas n’est-il pas pire que le tien ?

Alors, en vérité, il demeura encore silencieux comme un frappé de mutisme, et après un instant il se dressa.

— Infortuné couple, dit-il, comment est-ce possible ?

Je le pris par la main :

— Allons, mon ami, dis-je, assieds-toi et comparons nos douleurs ; je suis prisonnière dans cette même maison, et en bien plus mauvaise condition que toi, et tu seras convaincu que je ne suis point venue pour t’insulter quand je t’en dirai les détails.

Et là-dessus nous nous assîmes tout deux, et je lui contai autant de mon histoire que je pensai convenable, arrivant enfin à ce que j’avais été réduite à une grande pauvreté, et me représentant comme tombée dans une