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MOLL FLANDERS

vérité, dans la prison. La première chose dont je fus saluée le matin fut le glas du gros bourdon du Saint-Sépulcre qui annonçait le jour. Sitôt qu’il commença à tinter, on entendit retentir de mornes gémissements et des cris qui venaient du trou des condamnés, où gisaient six pauvres âmes qui devaient être exécutées ce jour-là : les unes pour un crime, les autres pour un autre, et deux pour assassinat.

Ceci fut suivi d’une confuse clameur dans la maison parmi les différents prisonniers qui exprimaient leurs grossières douleurs pour les pauvres créatures qui allaient mourir, mais d’une manière extrêmement dissemblable ; les uns pleuraient, d’autres poussaient des hourras brutaux et leur souhaitaient bon voyage ; d’autres damnaient et maudissaient ceux qui les avaient amenés là ; beaucoup s’apitoyaient ; et peu d’entre eux, très peu, priaient pour eux.

Il n’y avait guère là de place pour le recueillement d’esprit qu’il me fallait afin de bénir la Providence pleine de merci, qui m’avait, comme il était, arrachée d’entre les mâchoires de cette destruction ; je restais, comme il était, muette et silencieuse, toute submergée par ce sentiment, et incapable d’exprimer ce que j’avais dans le cœur ; car les passions en telles occasions que celles-ci sont certainement trop agitées pour qu’elles puissent en peu de temps régler leurs propres mouvements.

Pendant tout le temps que les pauvres créatures condamnées se préparaient à la mort, et que le chapelain, comme on le nomme, se tenait auprès d’elles pour les disposer à se soumettre à la sentence ; pendant tout