Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/361

Cette page a été validée par deux contributeurs.
340
MOLL FLANDERS

mettre de rester, à moins qu’il se fît clore sous les verrous avec moi toute la nuit, de quoi il ne se souciait point.

Je m’étonnai fort de ne point le voir le lendemain, étant le jour avant celui qui avait été fixé pour l’exécution, et j’étais infiniment découragée et déprimée, et en vérité je tombais presque par manque de cette consolation qu’il m’avait si souvent, et avec tant de succès, donnée lors de ses premières visites. J’attendis avec une grande impatience, et sous la plus grande oppression d’esprit qu’on puisse s’imaginer jusqu’environ quatre heures qu’il vînt à mon appartement : car j’avais obtenu la faveur, grâce à de l’argent, sans quoi en ce lieu on ne peut rien faire, de ne pas être enfermée dans le trou des condamnés, parmi les autres prisonniers qui allaient mourir, mais d’avoir une sale petite chambre pour moi seule.

Mon cœur bondit de joie dans mon sein quand j’entendis sa voix à la porte, même avant que de le voir ; mais qu’on juge de l’espèce de mouvement qui se fit dans mon âme lorsque, après de brèves excuses sur ce qu’il n’était pas venu, il me montra que son temps avait été employé pour mon salut, qu’il avait obtenu un rapport favorable de l’assesseur qui avait examiné mon cas et qu’en somme il m’apportait un sursis.

Il usa de toute la précaution possible à me faire savoir ce qu’il eût été d’une double cruauté de me dissimuler, car ainsi que la douleur m’avait bouleversée avant, ainsi la joie me bouleversa-t-elle maintenant et je tombai dans une pâmoison plus dangereuse que la première, et ce ne fut pas sans peine que je revins à moi.

Le lendemain matin il y eut une triste scène, en