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MOLL FLANDERS

Les juges demeurèrent graves et silencieux, m’écoutèrent avec condescendance, et me donnèrent le temps de dire tout ce qui me plairait ; mais n’y disant ni oui ni non, prononcèrent contre moi la sentence de mort : sentence qui me parut la mort même, et qui me confondit ; je n’avais plus d’esprits en moi ; je n’avais point de langue pour parler, ni d’yeux pour les lever vers Dieu ou les hommes.

Ma pauvre gouvernante était totalement inconsolée ; et elle qui auparavant m’avait réconfortée, avait elle-même besoin de l’être ; et parfois se lamentant, parfois furieuse, elle était autant hors du sens qu’une folle à Bedlam.

On peut plutôt s’imaginer qu’on ne saurait exprimer quelle était maintenant ma condition ; je n’avais rien devant moi que la mort ; et comme je n’avais pas d’amis pour me secourir, je n’attendais rien que de trouver mon nom dans l’ordre d’exécution qui devait arriver pour le supplice, au vendredi suivant, de cinq autres malheureuses et de moi-même.

Cependant ma pauvre malheureuse gouvernante m’envoya un ministre qui sur sa requête vint me rendre visite. Il m’exhorta sérieusement à me repentir de tous mes péchés et à ne plus jouer avec mon âme, ne me flattant point d’espérances de vie, étant informé, dit-il, que je n’avais point lieu d’en attendre ; mais que sans feinte il fallait me tourner vers Dieu de toute mon âme, et lui crier pardon au nom de Jésus-Christ. Il fortifia ses discours par des citations appropriées de l’Écriture, qui encourageaient les plus grands pécheurs à se repentir et à se détourner du mauvais chemin ; et quand il eut fini, il s’agenouilla et pria avec moi.