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MOLL FLANDERS

que je n’attendais et que j’eus plus de courage pour mon jugement que je n’eusse cru possible d’avoir.

Quand le jugement fut commencé et que l’acte d’accusation eut été lu, je voulus parler, mais on me dit qu’il fallait d’abord entendre les témoins et qu’ensuite on m’entendrait à mon tour. Les témoins étaient les deux filles, paire de coquines fortes en gueule, en vérité ; car bien que la chose fût vraie, en somme, pourtant elles l’aggravèrent à un point extrême, et jurèrent que j’avais les étoffes entièrement en ma possession, que je les avais cachées sous mes habits, que je m’en allais avec, que j’avais passé le seuil d’un pied quand elles se firent voir, et qu’aussitôt je franchis le seuil de l’autre pied, de sorte que j’étais tout à fait sortie de la maison, et que je me trouvais dans la rue avec les étoffes avant le moment qu’elles me prirent, et qu’ensuite elles m’avaient arrêtée et qu’elles avaient trouvé les étoffes sur moi. Le fait en somme était vrai ; mais j’insistai sur ce qu’elles m’avaient arrêtée avant que j’eusse passé le seuil ; ce qui d’ailleurs ne pesait pas beaucoup ; car j’avais pris les étoffes, et je les aurais emportées, si je n’avais pas été saisie.

Je plaidai que je n’avais rien volé, qu’ils n’avaient rien perdu, que la porte était ouverte, et que j’étais entrée à dessein d’acheter : si, ne voyant personne dans la maison, j’avais pris en main aucune des étoffes, il ne fallait point en conclure que j’eusse l’intention de les voler, puisque je ne les avais point emportées plus loin que la porte, pour mieux les regarder à la lumière.

La cour ne voulut rien accepter de ces moyens, et fit une sorte de plaisanterie sur mon intention d’acheter ces étoffes, puisque ce n’était point là une boutique faite pour