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MOLL FLANDERS

vous n’êtes point une femme faite pour ce monde.

C’étaient là des discours sans ambages, en vérité ; mais ils me furent très durs, ou du moins je me le figurai. Il me laissa dans la plus grande confusion que l’on puisse s’imaginer, et toute cette nuit je restai éveillée ; et maintenant je commençai de dire mes prières, ce que je n’avais guère fait auparavant depuis la mort de mon dernier mari, ou un peu de temps après ; et en vérité je puis bien appeler ce que je faisais dire mes prières ; car j’étais dans une telle confusion, et j’avais sur l’esprit une telle horreur, que malgré que je pleurasse et que je répétasse à plusieurs reprises l’expression ordinaire : — Mon Dieu, ayez pitié de moi ! — je ne m’amenais jamais jusqu’au sens d’être une misérable pécheresse, ainsi que je l’étais en effet, et de confesser mes péchés à Dieu, et de demander pardon pour l’amour de Jésus-Christ ; j’étais enfoncée dans le sentiment de ma condition, que j’allais passer en jugement capital, et que j’étais sûre d’être exécutée, et voilà pourquoi je m’écriais toute la nuit :

— Mon Dieu, que vais-je devenir ? Mon Dieu, que vais-je faire ? Mon Dieu, ayez pitié de moi ! et autres choses semblables.

Ma pauvre malheureuse gouvernante était maintenant aussi affligée que moi, et repentante avec infiniment plus de sincérité, quoiqu’il n’y eût point de chance d’accusation portée contre elle ; non qu’elle ne le méritât autant que moi, et c’est ce qu’elle disait elle-même ; mais elle n’avait rien fait d’autre pendant bien des années que de receler ce que moi et d’autres avions volé, et de nous encourager à le voler. Mais elle sanglotait et se dé-