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MOLL FLANDERS

Sitôt que j’eus commencé, dis-je, de penser, la première chose qui me vint à l’esprit éclata en ces termes :

— Mon Dieu, que vais-je devenir ? Je vais être condamnée, sûrement ; et après, il n’y a rien que la mort. Je n’ai point d’amis ; que vais-je faire ? Je serai sûrement condamnée ! Mon Dieu, ayez pitié de moi, que vais-je devenir ?

C’était une morne pensée, direz-vous, pour la première, depuis si longtemps qui avait jailli dans mon âme en cette façon ; et pourtant ceci même n’était que frayeur de ce qui allait venir ; il n’y avait pas là-dedans un seul mot de sincère repentir. Cependant, j’étais affreusement déprimée, et inconsolée à un point extrême ; et comme je n’avais nulle amie à qui confier mes pensées de détresse, elles me pesaient si lourdement, qu’elles me jetaient plusieurs fois par jour dans des pâmoisons et crises de nerfs. Je fis demander ma vieille gouvernante, qui, pour lui rendre justice, agit en fidèle amie ; elle ne laissa point de pierre qu’elle ne retourna pour empêcher le grand jury de dresser l’acte d’accusation ; elle alla trouver plusieurs membres du jury, leur parla, et s’efforça de les remplir de dispositions favorables, à cause que rien n’avait été enlevé, et qu’il n’y avait point eu de maison forcée, etc. Mais rien n’y faisait ; les deux filles prêtaient serment sur le fait, et le jury trouva lieu d’accusation de vol de maison, c’est à savoir, de félonie et bris de clôture.

Je tombai évanouie quand on m’en porta la nouvelle, et quand je revins à moi, je pensai mourir sous ce faix. Ma gouvernante se montra pour moi comme une vraie mère ; elle s’apitoya sur moi, pleura avec moi et pour