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MOLL FLANDERS

mense monde, et, ce qui était encore pire, la vieille honnête femme avait gardé par devers elle vingt et deux shillings à moi, qui étaient tout l’état que la petite dame de qualité avait au monde ; et quand je les demandai à la fille, elle me bouscula et me dit que ce n’étaient point ses affaires.

Il était vrai que la bonne pauvre femme en avait parlé à sa fille, disant que l’argent se trouvait à tel endroit, et que c’était l’argent de l’enfant, et qu’elle m’avait appelée une ou deux fois pour me le donner, mais je ne me trouvais malheureusement pas là, et lorsque je revins, elle était hors la condition de pouvoir en parler : toutefois la fille fut assez honnête ensuite pour me le donner, quoiqu’elle m’eût d’abord à ce sujet traitée si cruellement.

Maintenant j’étais une pauvre dame de qualité, en vérité, et juste cette même nuit j’allais être jetée dans l’immense monde ; car la fille avait tout emporté, et je n’avais pas tant qu’un logement pour y aller, ou un bout de pain à manger ; mais il semble que quelques-uns des voisins prirent une si grande pitié de moi, qu’ils en informèrent la dame dans la famille de qui j’avais été ; et immédiatement elle envoya sa servante pour me chercher ; et me voilà partie avec elles, sac et bagages, et avec le cœur joyeux, vous pouvez bien penser ; la terreur de ma condition avait fait une telle impression sur moi, que je ne voulais plus être dame de qualité, mais bien volontiers servante, et servante de telle espèce pour laquelle on m’aurait crue bonne.

Mais ma nouvelle généreuse maîtresse avait de meilleures pensées pour moi. Je la nomme généreuse, car au-