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MOLL FLANDERS

à la fenêtre et près de l’escabeau de l’homme, qui, ainsi que je suppose, travaillait sur un côté de la boutique.

J’entrai hardiment et j’allais justement mettre la main sur une pièce d’argenterie, et j’aurais pu le faire et remporter tout net, pour aucun soin que les gens de la boutique en eussent pris ; sinon qu’un officieux individu de la maison d’en face, voyant que j’entrais et qu’il n’y avait personne dans la boutique, traverse la rue tout courant, et sans me demander qui ni quoi, m’empoigne et appelle les gens de la maison.

Je n’avais rien touché dans la boutique, et ayant eu la lueur de quelqu’un qui arrivait courant, j’eus assez de présence d’esprit pour frapper très fort du pied sur le plancher de la maison, et j’appelais justement à haute voix au moment que cet homme mit la main sur moi.

Cependant, comme j’avais toujours le plus de courage quand j’étais dans le plus grand danger, ainsi quand il mit la main sur moi je prétendis avec beaucoup de hauteur que j’étais entrée pour acheter une demi-douzaine de cuillers d’argent ; et pour mon bonheur c’était un argentier qui vendait de la vaisselle plate aussi bien qu’il en façonnait pour d’autres boutiques. L’homme se mit à rire là-dessus, et attribua une telle valeur au service qu’il avait rendu à son voisin, qu’il affirma et jura que je n’étais point entrée pour acheter mais bien pour voler, et, amassant beaucoup de populace, je dis au maître de la boutique, qu’on était allé chercher entre temps dans quelque lieu voisin, qu’il était inutile de faire un scandale, et de discuter là sur l’affaire ; que cet homme affirmait que j’étais entrée pour voler et qu’il fallait qu’il le prouvât ; que je désirais aller devant un magistrat sans plus de pa-