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MOLL FLANDERS

levai dans mes bras ; pendant ce temps je pris soin d’ôter si nettement sa montre d’or à lady Betty qu’elle ne s’aperçut point qu’elle lui manquait jusqu’à ce que la foule se fût écoulée et qu’elle fût revenue dans le milieu du Mail.

Je la quittai parmi la foule même, et lui dis, comme en grande hâte :

— Chère lady Betty, faites attention à votre petite sœur.

Et puis la foule me repoussa en quelque sorte, comme si je fusse fâchée de m’en aller ainsi.

La presse en telles occasions est vite passée, et l’endroit se vide sitôt que le roi a disparu ; mais il y a toujours un grand attroupement et une forte poussée au moment même que le roi passe : si bien qu’ayant lâché les deux petites dames et ayant fait mon affaire avec elles, sans que rien de fâcheux ne survînt, je continuai de me serrer parmi la foule, feignant de courir pour voir le roi, et ainsi je me tins en avant de la foule jusqu’à ce que j’arrivai au bout du Mail ; là le roi continuant vers le quartier des gardes à cheval, je m’en allai dans le passage qui à cette époque traversait jusqu’à l’extrémité de Haymarket ; et là je me payai un carrosse et je décampai, et j’avoue que je n’ai pas encore tenu ma parole, c’est à savoir d’aller rendre visite à lady Betty.

J’avais eu un instant l’idée de me risquer à rester avec lady Betty, jusqu’à ce qu’elle s’aperçût que sa montre était volée, et puis de m’écrier avec elle à haute voix et de la mener à son carrosse, et de monter en carrosse avec elle, et de la reconduire chez elle : car elle paraissait tant charmée de moi et si parfaitement dupée par l’aisance