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MOLL FLANDERS

Ç’aurait été là une aubaine pour ceux qui s’y fussent entendus, mais jamais pauvre voleur ne fût plus embarrassé de savoir ce qu’il fallait faire de son vol, car lorsque je rentrai, ma gouvernante fut toute confondue, et aucune de nous ne savait ce qu’il fallait faire de cette bête : l’envoyer à une étable était insensé, car il était certain qu’avis en serait donné dans la gazette avec la description du cheval, de sorte que nous n’oserions pas aller le reprendre.

Tout le remède que nous trouvâmes à cette malheureuse aventure fut de mener le cheval dans une hôtellerie et d’envoyer un billet par un commissaire à la taverne pour dire que le cheval du gentilhomme qui avait été perdu à telle heure se trouvait dans telle taverne et qu’on pourrait l’y venir chercher, que la pauvre femme qui le tenait l’ayant mené par la rue et incapable de le reconduire l’avait laissé là. Nous aurions pu attendre que le propriétaire eût fait publier et offrir une récompense : mais nous n’osâmes pas nous aventurer à la recevoir.

Ce fut donc là un vol et point un vol, car peu de chose y fut perdu et rien n’y fut gagné, et je me sentis excédée de sortir en haillons de mendiante. Cela ne faisait point du tout l’affaire et d’ailleurs j’en tirai des pressentiments menaçants.

Tandis que j’étais en ce déguisement, je rencontrai une société de gens de la pire espèce que j’aie jamais fréquentée, et je vins à connaître un peu leurs façons. C’étaient des faux-monnayeurs, et ils me firent de très bonnes offres pour ce qui était du profit, mais la partie où ils voulaient que je m’embarquasse était la plus dangereuse, je veux dire le façonnage du faux-coin, comme