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MOLL FLANDERS

bien voulu que je lui dise ce que c’était que j’exigeais, je lui dis que je ne voulais pas être mon propre juge, que la loi déciderait pour moi, et que puisque je devais être menée devant un magistrat, je lui ferais entendre là ce que j’avais à dire. Il me dit qu’il n’y avait point d’occasion d’aller devant la justice, à cette heure ; que j’étais en liberté d’aller où il me ferait plaisir, et, s’adressant au commissaire, lui dit qu’il pouvait me laisser aller, puisque j’étais déchargée. Le commissaire lui répondit tranquillement.

— Monsieur, vous m’avez demandé tout à l’heure si j’étais commissaire ou juge de paix ; vous m’avez ordonné de faire mon service ; et vous m’avez mandé cette dame comme prisonnière ; à cette heure, monsieur, je vois que vous n’entendez point mon service, puisque vous voudriez faire de moi un juge vraiment ; mais je suis obligé de vous dire que cela n’est point en mon pouvoir ; j’ai droit de garder un prisonnier quand on me l’a mandé, mais c’est la loi et le magistrat seulement, qui peuvent décharger ce prisonnier : par ainsi, vous vous trompez, monsieur, il faut que je l’emmène maintenant devant un juge, que cela vous plaise ou non.

Le mercier d’abord le prit de très haut avec le commissaire ; mais comme il se trouva que ce commissaire n’était point un officier à gages, mais une bonne espèce d’homme bien solide (je crois qu’il était grainetier), et de bon sens, il ne voulut pas démordre de son affaire, et refusa de me décharger sans m’avoir menée devant un juge de paix, et j’y insistai aussi. Quand le mercier vit cela :

— Eh bien, dit-il au commissaire, menez-la donc où il vous plaira ; je n’ai rien à lui dire.