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MOLL FLANDERS

confidence lui avait apportés, puisqu’elle était de sa profession brocanteuse ; qu’elle, apprenant l’accident de Sa Dignité, avait deviné tout l’ensemble de l’affaire, et, qu’ayant les effets entre les mains, elle avait résolu de venir tenter ce qu’elle avait fait. Puis elle lui donna des assurances répétées, affirmant qu’il ne lui en sortirait jamais un mot de la bouche, et que, bien qu’elle connût fort bien la femme (c’était moi qu’elle voulait dire), cependant elle ne lui avait nullement laissé savoir qu’elle était la personne, ce qui d’ailleurs était faux : mais il ne devait point lui en arriver d’inconvénient car je n’en ouvris jamais la bouche à quiconque.

Je pensais bien souvent à le revoir et j’étais fâchée d’avoir refusé ; j’étais persuadée que si je l’eusse vu et lui eusse fait savoir que je le connaissais, j’eusse pu tirer quelque avantage de lui et peut-être obtenir quelque entretien. Quoique ce fût une vie assez mauvaise, pourtant elle n’était pas si pleine de dangers que celle où j’étais engagée. Cependant ces idées passèrent à la longue. Mais ma gouvernante le voyait souvent et il était très bon pour elle, lui donnant quelque chose presque chaque fois qu’il la voyait. Une fois en particulier, elle le trouva fort joyeux et, ainsi qu’elle pensa, quelque peu excité de vin, et il la pressa encore de lui laisser revoir cette femme, qui, ainsi qu’il disait, l’avait tant ensorcelé cette nuit-là. Ma gouvernante, qui depuis le commencement avait envie que je le revisse, lui dit qu’elle voyait que son désir était tellement fort qu’elle serait portée à y céder si elle pouvait obtenir de moi que je m’y soumisse, ajoutant que s’il lui plaisait de venir à sa maison le soir, elle s’efforcerait de lui donner satisfaction sur ces assu-