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MOLL FLANDERS

— Eh bien, madame, pour vous parler tout net, si j’étais sûr de ce que vous me dites, je ne me soucierais point tant de ce que j’ai perdu. La tentation était grande, et peut-être qu’elle était pauvre et qu’elle en avait besoin.

— Si elle n’eût pas été pauvre, monsieur, dit-elle, je vous jure qu’elle ne vous aurait jamais cédé, et, ainsi que sa pauvreté l’entraîna d’abord à vous laisser faire ce que vous fîtes, ainsi la même pauvreté la poussa à se payer à la fin, quand elle vit que vous étiez en une telle condition que si elle ne l’avait point fait, peut-être que le prochain cocher ou porteur de chaises l’eût pu faire à votre plus grand dam.

— Eh bien ! dit-il, grand bien lui fasse ! Je le répète encore, tous les gentilshommes qui agissent ainsi devraient être traités de la même manière, et cela les porterait à veiller sur leurs actions. Je n’ai point d’inquiétude là-dessus que relativement au sujet dont nous avons parlé. Là, il entra en quelques libertés avec elle sur ce qui s’était passé entre nous, chose qu’il ne convient pas qu’une femme écrive, et sur la grande terreur qui pesait sur son esprit pour sa femme, de crainte qu’il eût reçu quelque mal de moi et le communiquât. Il lui demanda enfin si elle ne pouvait lui procurer une occasion de me parler.

Ma gouvernante lui donna de pleines assurances sur ce que j’étais une femme exempte de toutes choses pareilles et qu’il pouvait avoir autant de tranquillité là-dessus que si c’eût été avec sa propre femme. Mais pour ce qui était de me voir, elle dit qu’il pourrait y avoir de dangereuses conséquences ; toutefois qu’elle me parlerait et lui ferait savoir, s’efforçant cependant de lui persuader de n’en point avoir le désir, et qu’il n’en retirerait aucun béné-