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MOLL FLANDERS

posait, et lui dit qu’elle avait une affaire extraordinaire avec tel gentilhomme (qui — soit dit en passant — n’était rien de moins qu’un baronnet, et de très bonne famille) et qu’elle ne savait comment parvenir jusqu’à lui sans être introduite dans la maison. Son amie lui promit sur-le-champ de l’y aider, et en effet s’en va voir si le gentilhomme était en ville.

Le lendemain elle arrive chez ma gouvernante et lui dit que Sir *** était chez lui, mais qu’il lui était arrivé quelque accident, qu’il était fort indisposé, et qu’il était impossible de le voir.

— Quel accident ? dit ma gouvernante, en toute hâte, comme si elle fût surprise.

— Mais, répond mon amie, il était allé à Hampstead pour y rendre visite à un gentilhomme de ses amis, et comme il revenait, il fut attaqué et volé ; et ayant un peu trop bu, comme on croit, les coquins le maltraitèrent, et il est fort indisposé.

— Volé ! dit ma gouvernante et que lui a-t-on pris ?

— Mais, répond son amie, on lui a pris sa montre en or, et sa tabatière d’or, sa belle perruque, et tout l’argent qui était dans sa poche, somme à coup sûr considérable, car Sir *** ne sort jamais sans porter une bourse pleine de guinées sur lui.

— Bah, bah ! dit ma vieille gouvernante, gouailleuse, je vous parie bien qu’il était ivre, qu’il a pris une p… et qu’elle lui a retourné les poches ; et puis il est rentré trouver sa femme, et lui conte qu’on l’a volé ; c’est une vieille couleur ; on joue mille tours semblables aux pauvres femmes tous les jours.

— Fi, dit son amie, je vois bien que vous ne connais-