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MOLL FLANDERS

et mon hôte fit un tel remue-ménage que si j’eusse été une princesse je n’eusse pu être mieux reçue, et on m’aurait volontiers gardée un mois ou deux si je l’avais cru bon.

Mais mon affaire était d’autre nature ; j’étais très inquiète (quoique si bien déguisée qu’il était à peine possible de me découvrir) et je craignais que cet homme me trouvât et malgré qu’il ne pût m’accuser de son vol, lui ayant persuadé de ne point s’y aventurer, et ne m’y étant point mêlée moi-même, pourtant il eût pu me charger d’autres choses, et acheter sa propre vie aux dépens de la mienne.

Ceci m’emplissait d’horribles appréhensions ; je n’avais ni ressource, ni amie, ni confidente que ma vieille gouvernante, et je ne voyais d’autre remède que de remettre ma vie entre ses mains ; et c’est ce que je fis, car je lui fis savoir mon adresse et je reçus plusieurs lettres d’elle pendant mon séjour. Quelques-unes me jetèrent presque hors du sens, à force d’effroi ; mais à la fin elle m’envoya la joyeuse nouvelle qu’il était pendu, qui était la meilleure nouvelle pour moi que j’eusse apprise depuis longtemps.

J’étais restée là cinq semaines et j’avais vécu en grand confort vraiment, si j’excepte la secrète anxiété de mon esprit ; mais quand je reçus cette lettre, je repris ma mine agréable, et dis à mon hôtesse que je venais de recevoir une lettre de mon époux d’Irlande, que j’avais d’excellentes nouvelles de sa santé, mais la mauvaise nouvelle que ses affaires ne lui permettaient pas de partir si tôt qu’il l’eût espéré, si bien qu’il était probable que j’allais rentrer sans lui.

Mon hôtesse, cependant, me félicita des bonnes nouvelles, et que je fusse rassurée sur sa santé :