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MOLL FLANDERS

longtemps sans me faire prendre ; car, en un mot, ma partenaire en vice et moi, nous continuâmes toutes deux si longtemps, sans jamais être découvertes, que non seulement nous devînmes hardies, mais qu’encore nous devînmes riches, et que nous eûmes à un moment vingt et une montres d’or entre les mains.

Je me souviens qu’un jour étant un peu plus sérieuse que de coutume, et trouvant que j’avais une aussi bonne provision d’avance que celle que j’avais (car j’avais près de 200 £ d’argent pour ma part), il me vint à la pensée, sans doute de la part de quelque bon esprit s’il y en a de tels, qu’ainsi que d’abord la pauvreté m’avait excitée et que mes détresses m’avaient poussée à de si affreux moyens, ainsi voyant que ces détresses étaient maintenant soulagées, et que je pouvais aussi gagner quelque chose pour ma subsistance, en travaillant, et que j’avais une si bonne banque pour me soutenir, pourquoi, ne cesserais-je pas maintenant, tandis que j’étais bien ; puisque je ne pouvais m’attendre à rester toujours libre, et qu’une fois surprise, j’étais perdue.

Ce fut là sans doute l’heureuse minute où, si j’avais écouté le conseil béni, quelle que fût la main dont il venait, j’aurais trouvé encore une chance de vie aisée. Mais mon destin était autrement déterminé ; l’avide démon qui m’avait attirée me tenait trop étroitement serrée pour me laisser revenir ; mais ainsi que ma pauvreté m’y avait conduite, ainsi l’avarice m’y fit rester, jusqu’à ce qu’il n’y eût plus moyen de retourner en arrière. Quant aux arguments que me dictait ma raison pour me persuader de renoncer, l’avarice se dressait, et disait :