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MOLL FLANDERS

dame de même ; et bientôt la montre vint à manquer.

— Hélas ! dit ma camarade, ce sont donc ces coquins qui m’ont renversée, je vous gage ; je m’étonne que Madame ne se soit point aperçue plus tôt que sa montre était volée : nous aurions encore pu les prendre.

Elle colora si bien la chose que personne ne la soupçonna, et je fus rentrée une bonne heure avant elle. Telle fut ma première aventure en compagnie ; la montre était vraiment très belle, enrichie de beaucoup de joyaux et ma gouvernante nous en donna 20 £ dont j’eus la moitié. Et ainsi je fus enregistrée parfaite voleuse, endurcie à un point où n’atteignent plus les réflexions de la conscience ou de la modestie, et à un degré que je n’avais jamais cru possible en moi.

Ainsi le diable qui avait commencé par le moyen d’une irrésistible pauvreté à me pousser vers ce vice m’amena jusqu’à une hauteur au-dessus du commun, même quand mes nécessités n’étaient point si terrifiantes ; car j’étais maintenant entrée dans une petite veine de travail, et comme je n’étais pas en peine de manier l’aiguille, il était fort probable que j’aurais pu gagner mon pain assez honnêtement.

Je dois dire que si une telle perspective de travail s’était présentée tout d’abord, quand je commençai à sentir l’approche de ma condition misérable ; si une telle perspective, dis-je, de gagner du pain par mon travail s’était présentée alors, je ne serais jamais tombée dans ce vilain métier ou dans une bande si affreuse que celle avec laquelle j’étais maintenant embarquée ; mais l’habitude m’avait endurcie, et je devins audacieuse au dernier degré ; et d’autant plus que j’avais continué si