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MOLL FLANDERS

ni complices ni connaissances aucunes parmi cette tribu. Mais elle conquit toute ma retenue et toutes mes craintes ; et, en peu de temps, à l’aide de cette complice, je devins voleuse aussi habile et aussi subtile que le fut jamais Moll la Coupeuse de bourses, quoique, si la renommée n’est point menteuse, je ne fusse pas moitié aussi jolie.

Le camarade qu’elle me fit connaître était habile en trois façons diverses de travailler ; c’est à savoir : à voler les boutiques, à tirer des carnets de boutique et de poche et à couper des montres d’or au côté des dames ; chose où elle réussissait avec tant de dextérité que pas une femme n’arriva, comme elle, à la perfection de l’art. La première et la dernière de ces occupations me plurent assez : et je la servis quelque temps dans la pratique, juste comme une aide sert une sage-femme, sans payement aucun.

Enfin, elle me mit à l’épreuve. Elle m’avait montré son art et j’avais plusieurs fois décroché une montre de sa propre ceinture avec infiniment d’adresse ; à la fin elle me montra une proie, et c’était une jeune dame enceinte, qui avait une montre charmante. La chose devait se faire au moment qu’elle sortirait de l’église ; elle passa d’un côté de la dame, et juste comme elle arrivait aux marches, feint de tomber, et tomba contre la dame avec une telle violence qu’elle fut dans une grande frayeur, et que toutes deux poussèrent des cris terribles ; au moment même qu’elle bousculait la dame, j’avais saisi la montre, et la tenant de la bonne façon, le tressaut que fit la pauvre fit échapper l’agrafe sans qu’elle pût rien sentir ; je partis sur-le-champ, laissant ma maîtresse d’école à sortir peu à peu de sa frayeur et la