Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
MOLL FLANDERS

moi pour le tenir privé. Elle me dit qu’elle avait fidèlement gardé un de mes secrets ; pourquoi doutais-je qu’elle en garderait un autre ? Je lui dis que la plus étrange chose du monde m’était arrivée, mêmement sans aucun dessein ; et ainsi je lui racontai toute l’histoire du pot.

— Et l’avez-vous apporté avec vous, ma chère ? dit-elle.

— Vraiment oui, dis-je, et le lui fis voir. Mais que dois-je faire maintenant ? dis-je. Ne faut-il pas le rapporter ?

— Le rapporter ! dit-elle. Oui-da ! si vous voulez aller à Newgate.

— Mais, dis-je, ils ne sauraient avoir la bassesse de m’arrêter, puisque je le leur rapporterais.

— Vous ne connaissez pas cette espèce de gens, mon enfant, dit-elle : non seulement ils vous enverraient à Newgate, mais encore vous feraient pendre, sans regarder aucunement l’honnêteté que vous mettriez à le rendre ; ou bien ils dresseraient un compte de tous les pots qu’ils ont perdus, afin de vous les faire payer.

— Que faut-il faire, alors ? dis-je.

— Oui, vraiment, dit-elle ; puisque aussi bien vous avez fait la fourberie, et que vous l’avez volé, il faut le garder maintenant ; il n’y a plus moyen d’y revenir. D’ailleurs, mon enfant, dit-elle, n’en avons-nous pas besoin bien plus qu’eux ? Je voudrais bien rencontrer pareille aubaine tous les huit jours.

Ceci me donna une nouvelle notion sur ma gouvernante, et me fit penser que, depuis qu’elle s’était faite prêteuse sur gages, elle vivait parmi une espèce de gens