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MOLL FLANDERS

point encore elle me mit à l’aise, réservant seulement un payement de cinq livres par an, si cela m’était possible. Ceci fut pour moi un si grand secours que pendant un bon moment je cessai le vilain métier où je venais si nouvellement d’entrer ; et bien volontiers j’eusse pris du travail, sinon qu’il était bien difficile d’en trouver à une qui n’avait point de connaissances.

Pourtant enfin je trouvai à faire des ouvrages piqués pour literie de dames, jupons, et autres choses semblables, et ceci me plut assez, et j’y travaillai bien fort, et je commençai à en vivre ; mais le diligent démon, qui avait résolu que je continuerais à son service, continuellement m’aiguillonnait à sortir et à aller me promener, c’est-à-dire à voir si je rencontrerais quelque chose en route, à l’ancienne façon.

Une nuit j’obéis aveuglément à ses ordres et je tirai un long détour par les rues, mais ne rencontrai point d’affaire ; mais non contente de cela, je sortis aussi le soir suivant, que passant près d’une maison de bière, je vis la porte d’une petite salle ouverte, tout contre la rue, et sur la table un pot d’argent, chose fort en usage dans les cabarets de ce temps ; il paraît que quelque société venait d’y boire et les garçons négligents avaient oublié de l’emporter.

J’entrai dans le réduit franchement et, plaçant le peu d’argent sur le coin du banc, je m’assis devant, et frappai du pied. Un garçon vint bientôt : je le priai d’aller me chercher une pinte de bière chaude, car le temps était froid. Le garçon partit courant, et je l’entendis descendre au cellier pour tirer la bière. Pendant que le garçon était parti, un autre garçon arriva et me cria :