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MOLL FLANDERS

annuelles pour mon petit garçon tant que je l’avais pu ; mais enfin je fus obligée de m’arrêter. Pourtant je lui avais écrit une lettre dans laquelle je lui disais que ma condition était réduite, que j’avais perdu mon mari, qu’il m’était impossible désormais de suffire à cette dépense, et que je la suppliais que le pauvre enfant ne souffrît pas trop des malheurs de sa mère.

Je lui fis maintenant une visite, et je trouvai qu’elle pratiquait encore un peu son vieux métier, mais qu’elle n’était pas dans des circonstances si florissantes qu’autrefois ; car elle avait été appelée en justice par un certain gentilhomme dont la fille avait été enlevée, et au rapt de qui elle avait, paraît-il, aidé ; et ce fut de bien près qu’elle échappa à la potence. Les frais aussi l’avaient ravagée, de sorte que sa maison n’était que médiocrement garnie, et qu’elle n’avait pas si bonne réputation en son métier qu’auparavant ; pourtant elle était solide sur ses jambes, comme on dit, et comme c’était une femme remuante, et qu’il lui restait quelque fonds, elle s’était faite prêteuse sur gages et vivait assez bien.

Elle me reçut de façon fort civile, et avec les manières obligeantes qu’elle avait toujours, m’assura qu’elle n’aurait pas moins de respect pour moi parce que j’étais réduite ; qu’elle avait pris soin que mon garçon fût très bien soigné, malgré que je ne pusse payer pour lui, et que la femme qui l’avait était à l’aise, de sorte que je ne devais point avoir d’inquiétude à son sujet, jusqu’à ce que je fusse en mesure de m’en soucier effectivement.

Je lui dis qu’il ne me restait pas beaucoup d’argent mais que j’avais quelques affaires qui valaient bien de l’argent, si elle pouvait me dire comment les tourner en