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MOLL FLANDERS

que je fis en vérité avec moins de trouble que je n’avais fait avant, car ces choses, je ne les avais pas volées, mais elles étaient venues toutes volées dans ma main. Je revins saine et sauve à mon logement, chargée de ma prise ; c’était une pièce de beau taffetas lustré noir et une pièce de velours ; la dernière n’était qu’un coupon de pièce d’environ onze aunes ; la première était une pièce entière de près de cinquante aunes ; il semblait que ce fût la boutique d’un mercier qu’ils eussent pillée ; je dis « pillée » tant les marchandises étaient considérables qui y furent perdues ; car les marchandises qu’ils recouvrèrent furent en assez grand nombre, et je crois arrivèrent à environ six ou sept différentes pièces de soie : comment ils avaient pu en voler tant, c’est ce que je ne puis dire ; mais comme je n’avais fait que voler le voleur, je ne me fis point scrupule de prendre ces marchandises, et d’en être fort joyeuse en plus.

J’avais eu assez bonne chance jusque-là et j’eus plusieurs autres aventures, de peu de gain il est vrai, mais de bon succès : mais je marchais dans la crainte journalière que quelque malheur m’arrivât et que je viendrais certainement à être pendue à la fin. L’impression que ces pensées me faisaient était trop forte pour la secouer, et elle m’arrêta en plusieurs tentatives, qui, pour autant que je sache, auraient pu être exécutées en toute sûreté ; mais il y a une chose que je ne puis omettre et qui fut un appât pour moi pendant de longs jours. J’entrais fréquemment dans les villages qui étaient autour de la ville afin de voir si je n’y rencontrerais rien sur mon chemin ; et passant le long d’une maison près de Stepney, je vis sur l’appui de la fenêtre deux bagues,