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MOLL FLANDERS

et je ressortis dans John’s-Street ; puis croisant dans Smithfield, je descendis Chick-Lane, et j’entrai dans Fied-Lane pour gagner Holborn-Bridge, où me mêlant dans la foule des gens qui y passent d’ordinaire, il n’eût pas été possible d’être découverte. Et ainsi je fis ma seconde sortie dans le monde.

Les pensées sur ce butin chassèrent toutes les pensées sur le premier, et les réflexions que j’avais faites se dissipèrent promptement ; la pauvreté endurcissait mon cœur et mes propres nécessités me rendaient insouciante de tout. Cette dernière affaire ne me laissa pas grand souci ; car n’ayant point fait de mal à la pauvre enfant, je pensai seulement avoir donné aux parents une juste leçon pour la négligence qu’ils montraient en laissant rentrer tout seul ce pauvre petit agneau, et que cela leur apprendrait à prendre garde une autre fois.

Ce cordon de perles valait environ 12 ou 14 £. Je suppose qu’auparavant il avait appartenu à la mère, car il était trop grand pour l’enfant, mais que peut-être la vanité de la mère qui voulait que sa fille eût l’air brave à l’école de danse l’avait poussée à le faire porter à l’enfant et sans doute l’enfant avait une servante qui eût dû la surveiller, mais elle comme une négligente friponne, s’occupant peut-être de quelque garçon qu’elle avait rencontré, la pauvre petite avait erré jusqu’à tomber dans mes mains.

Toutefois je ne fis point de mal à l’enfant ; je ne fis pas tant que l’effrayer, car j’avais encore en moi infiniment d’imaginations tendres, et je ne faisais rien à quoi, ainsi que je puis dire, la nécessité ne me poussât.

J’eus un grand nombre d’aventures après celle-ci ;