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MOLL FLANDERS

prises avec le manque d’amis et le manque de pain ; voilà qui les fera certainement songer non seulement à épargner ce qu’ils ont, mais à se tourner vers le ciel pour implorer son soutien et à la prière de l’homme sage ; « Ne me donne point la pauvreté, afin que je ne vole point. »

Qu’ils se souviennent qu’un temps de détresse est un temps d’affreuse tentation, et toute la force pour résister est ôtée ; la pauvreté presse, l’âme est faite désespérée par la détresse, et que peut-on faire ? Ce fut un soir, qu’étant arrivée, comme je puis dire, au dernier soupir, je crois que je puis vraiment dire que j’étais folle et que j’extravaguais, lorsque, poussée par je ne sais quel esprit, et comme il était, faisant je ne sais quoi, ou pourquoi, je m’habillai (car j’avais encore d’assez bons habits) et je sortis. Je suis très sûre que je n’avais aucune manière de dessein dans ma tête quand je sortis ; je ne savais ni ne considérais où aller, ni à quelle affaire : mais ainsi que le diable m’avait poussée dehors et m’avait préparé son appât, ainsi il m’amena comme vous pouvez être sûrs à l’endroit même, car je ne savais ni où j’allais ni ce que je faisais.

Errant ainsi çà et là, je ne savais où, je passai près de la boutique d’un apothicaire dans Leadenhall-Street, où je vis placé sur un escabeau juste devant le comptoir un petit paquet enveloppé dans un linge blanc : derrière se tenait une servante, debout, qui lui tournait le dos, regardant en l’air vers le fond de la boutique où l’apprenti de l’apothicaire, comme je suppose était monté sur le comptoir, le dos tourné à la porte, lui aussi, et une chandelle à la main, regardant et cherchant à atteindre une étagère supérieure, pour y prendre quelque chose dont il avait