Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
MOLL FLANDERS

tomba dans la léthargie et mourut. Je prévis le coup et fus extrêmement oppressée dans mon esprit, car je voyais évidemment que s’il mourait j’étais perdue.

J’avais eu deux enfants de lui, point plus, car il commençait maintenant à être temps pour moi de cesser d’avoir des enfants ; car j’avais maintenant quarante-huit ans et je pense que, s’il avait vécu, je n’en aurais pas eu d’autres.

J’étais maintenant abandonnée dans un morne et inconsolable cas, en vérité, et en plusieurs choses le pire de tous. D’abord c’était fini de mon temps florissant où je pouvais espérer d’être courtisée comme maîtresse ; cette agréable partie avait décliné depuis quelque temps et les ruines seules paraissaient de ce qui avait été ; et le pire de tout était ceci, que j’étais la créature la plus découragée et la plus inconsolée qui fût au monde ; moi qui avais encouragé mon mari et m’étais efforcée de soutenir les miens, je manquais de ce courage dans la douleur que je lui disais qui était si nécessaire pour supporter le fardeau.

Mais mon cas était véritablement déplorable, car j’étais abandonnée absolument sans amis ni aide, et la perte qu’avait subie mon mari avait réduit sa condition si bas que bien qu’en vérité je ne fusse pas en dette, cependant je pouvais facilement prévoir que ce que j’avais encore ne me suffirait longtemps ; que la petite somme fondait tous les jours pour ma subsistance ; de sorte qu’elle serait bientôt entièrement dépensée, et puis je ne voyais plus devant moi que l’extrême détresse, et ceci se représentait si vivement à mes pensées, qu’il semblait qu’elle fût arrivée, autant qu’elle fût réellement très