Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
MOLL FLANDERS

une extrême perplexité, et je devins très mélancolique ; car en vérité je ne savais quel parti prendre ; j’avais de l’argent, mais point d’amis, et j’avais chances de me trouver sur les bras un enfant à garder, difficulté que je n’avais encore jamais rencontrée, ainsi que mon histoire jusqu’ici le fait paraître.

Dans le cours de cette affaire, je tombai très malade et ma mélancolie accrut réellement mon malaise ; mon indisposition se trouva en fin de compte n’être qu’une fièvre, mais la vérité est que j’avais les appréhensions d’une fausse couche. Je ne devrais pas dire « les appréhensions », car j’aurais été trop heureuse d’accoucher avant terme, mais je n’aurais pu même entretenir la pensée de prendre quoi que ce fût pour y aider ; j’abhorrais, dis-je, jusqu’à l’imagination d’une telle chose.

Cependant, la dame qui tenait la maison m’en parla et m’offrit d’envoyer une sage-femme ; j’élevai d’abord quelques scrupules, mais après un peu de temps j’y consentis, mais lui dis que je ne connaissais point de sage-femme et que je lui abandonnais le soin de l’affaire.

Il paraît que la maîtresse de la maison n’était pas tant étrangère à des cas semblables au mien que je pensais d’abord qu’elle fût, comme on verra tout à l’heure ; et elle fit venir une sage-femme de la bonne sorte, je veux dire de la bonne sorte pour moi.

Cette femme paraissait avoir quelque expérience dans son métier, j’entends de sage-femme, mais elle avait aussi une autre profession où elle était experte autant que femme du monde, sinon davantage. Mon hôtesse lui avait dit que j’étais fort mélancolique, et qu’elle pensait que cela m’eût fait du mal ; et une fois, devant moi, lui dit :