Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
MOLL FLANDERS

personne ne pût me demander de l’argent avant que je fusse garni pour leur en donner.

— Mais où donc alors, dis-je, devions-nous aller ensuite ?

— Eh bien, mon cœur, dit-il, je vais donc vous avouer tout le plan, ainsi que je l’avais disposé ; j’avais intention ici de vous interroger quelque peu sur votre état, comme vous voyez que j’ai fait ; et quand vous m’auriez rendu compte des détails, ainsi que je m’attendais que vous feriez, j’aurais imaginé une excuse pour remettre notre voyage en Irlande à un autre temps, et nous serions partis pour Londres. Puis, mon cœur, dit-il, j’étais décidé à vous avouer toute la condition de mes propres affaires, et à vous faire savoir qu’en effet j’avais usé de ces finesses pour obtenir votre acquiescement à m’épouser, mais qu’il ne me restait plus qu’à vous demander pardon et à vous dire avec quelle ardeur je m’efforcerais à vous faire oublier ce qui était passé par la félicité des jours à venir.

— Vraiment, lui dis-je, et je trouve que vous m’auriez vite conquise ; et c’est ma douleur maintenant que de n’être point en état de vous montrer avec quelle aisance je me serais laissé réconcilier à vous, et comme je vous aurais passé tous ces tours en récompense de tant de bonne humeur ; mais, mon ami, dis-je, que faire maintenant ? Nous sommes perdus tous deux, et en quoi sommes-nous mieux pour nous être accordés, puisque nous n’avons pas de quoi vivre ?

Nous proposâmes un grand nombre de choses ; mais rien ne pouvait s’offrir où il n’y avait rien pour débuter. Il me supplia enfin de n’en plus parler, car, disait-il, je