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MOLL FLANDERS

pensai-je ; mais c’est que je croyais à ce moment que tu étais célibataire. » Après que nous eûmes soupé, je remarquai qu’il me pressait très fort de boire deux ou trois verres de vin, ce que toutefois je refusais, mais je bus un verre ou deux ; puis il me dit qu’il avait une proposition à me faire, mais qu’il fallait lui promettre de ne point m’en offenser, si je ne voulais m’y accorder ; je lui dis que j’espérais qu’il ne me ferait pas de proposition peu honorable, surtout dans sa propre maison, et que si elle était telle, je le priais de ne pas la formuler, afin que je ne fusse point obligée d’entretenir à son égard des sentiments qui ne conviendraient pas au respect que j’éprouvais pour sa personne et à la confiance que je lui avais témoignée en venant chez lui, et je le suppliai de me permettre de partir ; et en effet, je commençai de mettre mes gants et je feignis de vouloir m’en aller, ce que toutefois je n’entendais pas plus qu’il n’entendait me le permettre.

Eh bien, il m’importuna de ne point parler de départ ; il m’assura qu’il était bien loin de me proposer une chose qui fût peu honorable, et que si c’était là ma pensée, il n’en dirait point davantage.

Pour cette partie, je ne la goûtai en aucune façon ; je lui dis que j’étais prête à écouter, quoi qu’il voulût dire, persuadée qu’il ne dirait rien qui fût indigne ou qu’il ne convînt pas que j’entendisse. Sur quoi il me dit que sa proposition était la suivante : il me priait de l’épouser, bien qu’il n’eût pas obtenu encore le divorce d’avec sa femme ; et pour me satisfaire sur l’honnêteté de ses intentions, il me promettait de ne pas me demander de vivre avec lui ou de me mettre au lit avec lui, jusqu’à ce que le divorce fût prononcé… Mon cœur ré-