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MOLL FLANDERS

tion ; mais je lui dis que si je mourais en l’état où j’étais, tout le bien serait à lui, et qu’il l’aurait bien mérité par la fidélité qu’il me montrerait, ainsi que j’en étais persuadée.

Il changea de visage sur ce discours, et me demanda comment je venais à éprouver tant de bon vouloir pour lui. Puis, l’air extrêmement charmé, me dit qu’il pourrait souhaiter en tout honneur qu’il ne fût point marié, pour l’amour de moi ; je souris, et lui dis que puisqu’il l’était, mon offre ne pouvait prétendre à aucun dessein sur lui, que le souhait d’une chose qui n’était point permise était criminel envers sa femme.

Il me répondit que j’avais tort ; « car, dit-il, ainsi que je l’ai dit avant, j’ai une femme, et je n’ai pas de femme et ce ne serait point un péché de souhaiter qu’elle fût pendue ».

— Je ne connais rien de votre condition là-dessus, monsieur, dis-je ; mais ce ne saurait être un désir innocent que de souhaiter la mort de votre femme.

— Je vous dis, répète-t-il encore, que c’est ma femme et que ce n’est point ma femme ; vous ne savez pas ce que je suis ni ce qu’elle est.

— Voilà qui est vrai, dis-je, monsieur ; je ne sais point ce que vous êtes, mais je vous prends pour un honnête homme ; et c’est la cause de toute la confiance que je mets en vous.

— Bon, bon, dit-il, et je le suis ; mais je suis encore autre chose, madame ; car, dit-il, pour parler tout net, je suis un cocu et elle est une p…

Il prononça ces paroles d’une espèce de ton plaisant mais avec un sourire si embarrassé que je vis bien qu’il