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MOLL FLANDERS

infiniment de franchise, que je n’avais point rencontré encore homme ou femme où je pusse me fier, mais que je voyais qu’il prenait un souci tant désintéressé de mon salut, que je lui confierais librement le gouvernement du peu que j’avais, s’il voulait accepter d’être l’intendant d’une pauvre veuve qui ne pouvait lui donner de salaire.

Il sourit ; puis, se levant avec très grand respect, me salua ; il me dit qu’il ne pouvait qu’être charmé que j’eusse si bonne opinion de lui ; qu’il ne me tromperait point et ferait tout ce qui était possible pour me servir, sans aucunement attendre de salaire ; mais qu’il ne pouvait en aucune façon accepter un mandat qui pourrait l’amener à se faire soupçonner d’agissements intéressés, et que si je venais à mourir, il pourrait avoir des discussions avec mes exécuteurs, dont il lui répugnerait fort de s’embarrasser.

Je lui dis que si c’étaient là toutes les objections, je les lèverais bientôt et le convaincrais qu’il n’y avait pas lieu de craindre la moindre difficulté ; car, d’abord, pour ce qui était de le soupçonner, si jamais une telle pensée pouvait se présenter, c’eût été maintenant le moment de le soupçonner et de ne pas remettre mon bien entre ses mains ; et le moment que je viendrais à le soupçonner, il n’aurait qu’à abandonner son office et à refuser de continuer ; puis, pour ce qui était des exécuteurs, je lui assurai que je n’avais point d’héritiers, ni de parents en Angleterre, et que je n’aurais d’autres héritiers ni exécuteurs que lui-même, à moins que je changeasse ma condition, auquel cas son mandat et ses peines cesseraient tout ensemble, ce dont, toutefois, je n’avais aucune inten-