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MOLL FLANDERS

à penser qu’il fût dans la condition de mon dernier amant, et que sa femme fût lunatique, ou quelque chose d’approchant. Pourtant nous ne fîmes pas plus de discours ce jour-là, mais il me dit qu’il était en trop grande presse d’affaires, mais que si je voulais venir chez lui quand son travail serait fini, il réfléchirait à ce qu’on pourrait faire pour moi, afin de mettre mes affaires en état de sécurité. Je lui dis que je viendrais, et le priai de m’indiquer où il demeurait ; il me donna l’adresse par écrit, et, en me la donnant, il me la lut et dit :

— Voici, madame, puisque vous voulez bien vous fier à moi.

— Oui, monsieur, dis-je, je crois que je puis me fier à vous, car vous avez une femme, dites-vous, et moi je ne cherche point un mari ; d’ailleurs, je me risque à vous confier mon argent, qui est tout ce que je possède au monde, et, si je le perdais, je ne pourrais me fier à quoi que ce fût.

Il dit là-dessus plusieurs choses fort plaisamment, qui étaient belles et courtoises, et m’eussent infiniment plu, si elles eussent été sérieuses ; mais enfin je pris les indications qu’il m’avait données, et je m’accordai à me trouver chez lui le même soir à sept heures.

Lorsque j’arrivai, il me fit plusieurs propositions pour placer mon argent à la Banque, afin que je pusse en recevoir l’intérêt ; mais il découvrait toujours quelque difficulté ou il ne voyait point de sûreté, et je trouvai en lui une honnêteté si sincèrement désintéressée, que je commençai de croire que j’avais certainement trouvé l’honnête homme qu’il me fallait, et que jamais je ne pourrais tomber en meilleures mains ; de sorte que je lui dis, avec