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MOLL FLANDERS

désolée, qui, une fois prise, ne devait point être bonne à grand’chose ; et en vérité moi, dont le cas était presque désespéré, et ne me semblait guère pouvoir être bien pire, je n’étais pas fort soucieuse de ce qui pouvait m’arriver pourvu qu’on ne me fît point de mal, j’entends à mon corps ; de sorte que je souffris quoique non sans beaucoup d’invitations, et de grandes professions d’amitié sincère et de tendresse véritable, je souffris, dis-je, de me laisser persuader de partir avec elle ; et je me préparai en conséquence pour un voyage, quoique ne sachant absolument pas où je devais aller.

Et maintenant je me trouvais dans une grande détresse : le peu que j’avais au monde était tout en argent sauf, comme j’ai dit avant, un peu d’argenterie, du linge et mes habits ; pour des meubles ou objets de ménage, j’en avais peu ou point, car je vivais toujours dans des logements meublés ; mais je n’avais pas un ami au monde à qui confier le peu que j’avais ou qui pût m’apprendre à en disposer ; je pensai à la Banque et aux autres Compagnies de Londres, mais je n’avais point d’ami à qui je pourrais en remettre le soin et le gouvernement ; quant à garder ou à porter sur moi des billets de banque, des billets de change à ordre, ou telles choses, je le considérais comme imprudent, car si je venais à les perdre, mon argent était perdu, et j’étais ruinée ; et d’autre part, je craignais d’être volée ou peut-être assassinée en quelque lieu étranger, si on les voyait et je ne savais que faire.

Il me vint à la pensée, un matin, d’aller moi-même à la Banque, où j’étais souvent venue recevoir l’intérêt de quelques billets que j’avais, et où j’avais trouvé le