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MOLL FLANDERS

ma parole qu’elle a été remise à votre logement, et aux mains de votre servante.

« Il est inutile que je vous fasse connaître quelle a été ma condition depuis quelque temps passé ; et comment, étant allé jusqu’au bord de la tombe, par une grâce inespérée du ciel, et que j’ai bien peu méritée, j’ai été rendu à la vie ; dans la condition où j’ai été, vous ne serez point étonnée que notre malheureuse liaison n’ait pas été le moindre des fardeaux qui pesaient sur ma conscience ; je n’ai point besoin d’en dire davantage ; les choses dont il faut se repentir doivent aussi être réformées.

« Je serais désireux de vous voir songer à rentrer à Bath ; je joins à cette lettre un billet de 50 £ pour que vous puissiez liquider votre loyer et payer les menus frais de votre voyage. J’espère que ce ne sera pas pour vous une surprise si j’ajoute que pour cette raison seule, et sans aucune offense de votre part, je ne peux plus vous revoir ; je prendrai de l’enfant le soin qu’il faudra, soit que vous le laissiez ici, soit que vous l’emmeniez, comme il vous plaira ; je vous souhaite de pareilles réflexions, et qu’elles puissent tourner à votre avantage.

« Je suis, etc. »


Je fus frappée par cette lettre comme de mille blessures ; les reproches de ma conscience étaient tels que je ne saurais les exprimer, car je n’étais pas aveugle à mon propre crime ; et je réfléchissais que j’eusse pu avec moins d’offense continuer avec mon frère, puisqu’il n’y avait pas de crime au moins dans le fait de notre mariage, aucun de nous ne sachant rien.

Mais je ne songeai pas une seule fois que pendant tout